« Mais vous êtes une équipe de filles ?! » Malgré mon arrivée récente dans le monde du bâtiment, j’ai déjà entendu cette question étonnée un paquet de fois sur des chantiers d’enduits, dans la bouche des compagnons tous corps d’état, voire des clients ! L’écoconstruction serait-elle une passerelle vers la féminisation du bâtiment ?

La part féminine plus importante en écoconstruction a déjà été soulignée par certains auteurs comme la sociologue Geneviève Pruvost [1]. Les femmes représentaient en effet 36% des effectifs en formation OPEC (Ouvrier.ère professionnel.le en écoconstruction) et MTC (Maçonnerie terre crue) parmi cinq organismes interrogés [2]. Pourtant, d’après la CAPEB, les femmes ne constitueraient que 13% des salariés de la construction et 3,5% des chefs d’entreprise [3]. À l’association Bâtiment CFA Bretagne, les femmes ne représentent que 3% des effectifs [4]. Pour Didier Lamade, directeur du CFA de Quimper « C’est le parfait reflet de la sous-représentation féminine dans le secteur du bâtiment où les 2 ou 3% de femmes s’orientent à 90% dans le secteur de la peinture ». On retrouve cette conclusion chez Stéphanie Gallioz à l’issue de son enquête sur les femmes dans le secteur du bâtiment (qui commence à dater mais qui reste néanmoins d’actualité) : « la peinture apparaît, aux yeux de nos interlocuteurs, comme un secteur d’activité qui serait particulièrement bien adapté aux femmes » car « Ces outils et matériaux solliciteraient même une certaine minutie, qualité construite comme naturellement féminine » [5].

Alors si l’écoconstruction apparaît indéniablement un levier pour la féminisation du bâtiment, la parité est encore loin et la sortie des clichés sur la minutie féminine aussi (parce que ce n’est pas minutieux la menuiserie ou l’électricité ?!).

📷 Amélie Le Bris sur un chantier avec Matières Vivantes

[1] Pruvost G. (2015) – Chantiers participatifs, autogérés, collectifs : la politisation du moindre geste, Sociologie du travail, vol. 57, p. 81-103

[2] Allièse F. (2023) – Motivations et freins à l’utilisation des écomatériaux chez les professionnels et les particuliers en Île-de-France, mémoire de Master 2, Cergy Paris Université, 52 p.

[3] CAPEB (2022) – Reconnaître la place des femmes conjointes et cheffes d’entreprises dans l’artisanat du bâtiment, en ligne le 26/05/2025

[4] Ouest France (2020) – Formation. Dans le bâtiment, les femmes sont les bienvenues, en ligne le 26/05/2025

[5] Gallioz S. (2007) – La féminisation des entreprises du bâtiment : le jeu paradoxal des stéréotypes de sexe, Sociologies Pratiques, vol. 1, n°14, p. 31-44